Je commence deja a etre las de toutes

Pendant vingt ans, Flaubert et frres Goncourt changrent des lettres extrmement prcieuses pour comprendre, certes, les " cratures " contradictoires, changeantes et vulnrables, mais surtout les grands artistes qu'ils furent tous trois. " Qui rvlera mieux que la lettre autographe la tte et le cur de l'individu ? [...] Seule la lettre autographe sera le confessionnal o vous entendrez le rve de l'imagination de la crature, ses tristesses et ses gats, ses fatigues et ses retours, ses dfaillances et ses orgueils, sa lamentation et son ingurissable espoir. " Par ces quelques lignes de la prface de leurs Portraits intimes du XVIIIe sicle les frres Goncourt, grands amateurs et collectionneurs d'autographes s'il en est, rvlent tout le prix qu'ils attachent aux correspondances. Et de fait, celle qu'ils changrent avec leur ami, matre et rival Flaubert au long d'une relation de vingt ans (1860-1880), se rvle, en cho et en opposition parfois leur clbre Journal, extrmement prcieuse pour comprendre, certes, les " cratures " contradictoires, changeantes et vulnrables, mais surtout les grands artistes qu'ils furent tous trois, artistes qui considraient la littrature comme un vritable sacerdoce et se percevaient comme les derniers reprsentants d'un art " pur ", sacr, l'abri du mercantilisme et de la " blague " moderne : " La pure littrature, le livre qu'un artiste fait pour se satisfaire, me semble un genre bien prs de mourir. Je ne vois plus de vritables hommes de lettres, de sincres et honntes crivains que Flaubert et nous " (Journal, 9 aot 1868). Cette correspondance est aussi minemment instructive (et complte en cela de faon irremplaable le Journal) pour la connaissance du champ littraire sous le Second Empire et la comprhension des sociabilits d'crivains, penseurs et artistes.